Penchons-nous sur l'origine de ce terme : manga. Mais aussi de ce phénomène et sur ses différents genres dans le domaine littéraire. Manga désigne avant tout en japonais les bandes dessinées en général. Dans la langue française, cela désigne les bandes dessinées japonaises.« Manga » est généralement traduit par « image dérisoire ». Il se compose des particules « ga » (dessin) et « man » (divertissant). La bande dessinée japonaise puise notamment ses racines dans des formes narratives très anciennes. En effet on peut tout d’abord remonter jusqu’au XIIème siècle de l’ère occidentale, avec les« Choju Giga » (« images d’oiseaux et d’animaux gambadants » pour dépeindre les humains), œuvres du moine bouddhiste Toba l’une des figures emblématiques du Japon d’hier. Ceux-ci mettaient en scène divers animaux (renards, lapins, grenouilles, ânes, singes) dans une succession d’histoires courtes se présentant sous forme d’images sur un rouleau de parchemin, que le lecteur déroulait à son rythme. On peut les rapprocher du « Roman de Renard » occidental, car il y a la même idée de satire de la société par des animaux.
Le genre continuera à se développer avec Katsushika Hokusai peintre et dessinateur, qui va permettre au terme et au genre manga de naître officiellement en 1814. Celui-ci avait réalisé 16 rouleaux de croquis et dessins satiriques, qui mêlaient à la fois réalité et fantastique. Une naissance officielle, car il les nommait «esquisses rapides» soit «manga» en japonais, et plus précisément « Hokusai manga ». Le genre était donc né. Voici certains de ces dessins
Le manga franchira le cap de la modernité avec Osamu Tezuka révolutionnaire du genre et considéré comme le « hergé » japonais. Ce cap sera donc franchi dans les années d’après guerre, avec des œuvres d’Osamu tels que « La nouvelle île au trésor » et « Astroboy », dans lequel il montre la façon dont l’homme devrait utiliser les progrès techniques pour le bien de la planète en mettant en scène un petit robot, car il a été extrêmement marqué par la seconde guerre mondiale avec les deux bombes atomiques qui sont tombé sur l’archipel japonais. Tezuka révolutionne le genre manga en alliant techniques et traditions artistiques du Japon et d’ailleurs (principalement celles d’Amérique). Fan aussi de cinéma, il introduit dans ses œuvres des plans typiquement cinématographiques, ce qui est chose nouvelle. Plus rien n’est figé. Tezuka est parfois désigné comme le père du manga, tout d’abord car de nombreux «mangakas» (auteurs de mangas) s’inspireront de son style et ensuite c’est grâce à l’impulsion qu’il donnera que l’industrie du manga prendra enfin son envol. Il a donc permis au phénomène de prendre de plus en plus d'ampleur, de s'imposer dans le monde moderne.
Voici les biographies des trois principaux acteurs ayant participé à la naissance et à la propagation du manga, dans un ordre chronologique ci-dessous:
Premièrement, le moine bouddhiste Toba (1103-1156). Toba était tout d’abord empereur, plus précisément le quatorzième empereur du Japon. Il fut couronné à l’age de 4 ans à la mort de son père et a régné nominalement de 1107 à 1123, puisque le pouvoir était en fait exercé par son grand-père, l’empereur retiré Shirakawa. A la mort de celui-ci, il devient à son tour empereur retiré (c'est-à-dire qu’il exerçait son pouvoir au travers du règne d’un autre empereur). Il deviendra moine bouddhiste en 1142 au temple Todai-ji sous le nom de Kukaku.
Deuxièmement, Katsushika Hokusai (1760-1849). Hokusai naît dans le district de Honjo (zone rurale connue sous le nom de Katsushika) à Edo. Il est adopté à l’age de 3-4 ans et manifestera dès lors des aptitudes pour le dessin et sa curiosité pour la peinture. Il intégrera en 1778 l’atelier du maître Katsukawa Shunsho, peintre d’estampes « ukiyo-e » (voir définition « estampes » et « ukiyo-e »). C’est dans cet atelier que commence vraiment son travail d’artisan du dessin et de l’estampe aux revenus modestes. Il subira l’influence de l’art occidental et découvrira la perspective grâce à un artiste japonais, en bons termes avec les seuls hollandais autorisés à aborder au port de Nagasaki ( le Japon ne s’était pas encore ouvert au monde). Son premier succès personnel public sera occasionné par ses illustrations pour le recueil poétique « Kyoka Edo no Murasaki ». Entre 1796 et 1799 il produira de nombreux albums et estampes sur feuilles séparées qu’on appelle « surimono ». En 1814 il publiera son Manga (« Hokusai manga »,1814) : recueil de ses innombrables carnets de croquis et d’étude. En 1831 il sera reconnu mondialement avec sa série d’estampes « Fugaku Sanjurokke i» ou « Trente-six vues du mont Fuji », dont voici une image :
Il laissera à sa mort une œuvre comprenant 30 000 dessins. On peut de ce fait parler d’un« fou du dessin » (il s’efforçait de produire au moins 1 dessin chaque matin) et de peintre spécialiste de « l’ukiyo-e » à part entière. Il fut également le fondateur de l’estampe de paysage. Celles-ci influenceront de nombreux artistes européens comme Van Gogh et Gauguin.
Troisièmement, Osamu Tezuka (1928-1989). Il est né à Osaka. Il est marqué très jeune par les dessins animés de Walt Disney (il aurait regardé plus de 80 fois Bambi), qui lui feront découvrir sa vocation. Il publiera ses premiers mangas en 1946 pendant ses études de médecine. On en retrouvera des traces dans son manga« Black Jack » (couverture du tome 3 ci-dessous) mettant en scène un chirurgien exerçant dans l’inégalité. Il écrira tout au long de sa vie plus de 700 œuvres. Il rencontrera le succès en 1947 avec « La Nouvelle île au Trésor » (« Shin takarajima »). C’est lui qui introduira les grands yeux expressifs dans la BD japonaise. Il entretiendra notamment une forte collaboration et une forte amitié avec les studios de Walt Disney. « Le roi léo » (« Jungle Tatei »), un de leur projet, deviendra d’ailleurs le célèbre « Roi Lion » !