Notre avis et/ou analyse
!! Attention avant lecture !! Qui dit avis dit des risques de spoil.
Benoît

Avis écrit le 02/08/2025
« Un documentaire court mais percutant, qui montre les deux faces d’un Japon en mutation. »
La valeur d’un employé, dans une entreprise dite traditionnelle au Japon, est encore trop souvent mesurée au regard de son endurance au travail. Une endurance qui, poussée à l’extrême, peut mener à de véritables tragédies. Le reportage d’ARTE Japon : les forçats du travail tente, en 23 minutes, de mettre en lumière un phénomène typiquement japonais : le karoshi, la mort par épuisement. Il en expose les rouages à travers des témoignages d’intervenants très pertinents. Même s’il date de 2018, et que les choses ont évolué en 2025, des progrès sont encore à faire.
Au Japon, on parle souvent des black kigyō et des white kigyō, autrement dit, des "mauvaises" et des "bonnes" entreprises. Ayant moi-même travaillé dans une black kigyō, je sais ce que cela signifie que de travailler à la japonaise, et je peux vous assurer que ce n’est pas de tout repos… bien au contraire. En regardant ce reportage, de vieux souvenirs sont remontés à la surface, et mon empathie a pris le dessus face aux témoignages des familles. C’est insoutenable de perdre un être cher simplement parce qu’il a trop travaillé. 100 heures supplémentaires par mois ? Je n’ai pas les mots. Travailler dur est perçu comme un signe de loyauté et d’ambition envers ses supérieurs… mais jusqu’à quel point ?
Cette "normalité", même si je n’aime pas ce mot, est devenue une réalité au Japon. Elle entraîne une pression mentale telle que ceux qui la subissent préfèrent se taire, ou démissionner sans faire de vagues. On ne va pas au conflit. Dans ce pays où l’esprit d’entreprise passe avant l’individu, la performance se mesure encore au nombre d’heures passées au bureau. Et pourtant, tout démontre aujourd’hui que c’est l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée qui rend un salarié performant. Mais ce message semble encore mal compris ici.
Cela dit, je ne jette pas la pierre à tout le monde, bien au contraire, et le reportage le montre avec justesse. Il expose aussi les signes d’un changement, et c’est ce que j’ai beaucoup apprécié. On ne montre pas que le négatif. Et de par mon entourage ici au Japon, je peux témoigner que beaucoup sont épanouis dans leur travail, et que leurs entreprises prennent soin d’eux. Comme une pièce de monnaie, il y a deux faces. ARTE a pris soin de les montrer toutes les deux, et de souligner que les choses peuvent évoluer.
Au final, même si je n’ai pas appris grand-chose de nouveau, en tant que passionné du Japon, j’ai trouvé ce reportage très intéressant. Les intervenants sont de qualité : sociologues, représentants de familles de victimes, témoignages personnels… Le tout donne une vue d’ensemble pertinente sur un sujet ancré dans la société japonaise depuis des décennies. Il faudra du temps pour faire bouger les choses, mais un pas après l’autre, la lumière devient possible.