Notre avis et/ou analyse
!! Attention avant lecture !! Qui dit avis dit des risques de spoil.
Benoît

Avis écrit le 03/08/2025
« Kore-eda signe une œuvre sobre et puissante qui m’a profondément marqué. »
Kore-eda Hirokazu signe ici un film mémorable, qui va rester longtemps dans ma mémoire. Sandome no Satsujin (The Third Murder, titre international) met le doigt sur quelque chose d’essentiel : des êtres humains peuvent disposer de la vie d’autres êtres humains. J’ai été captivé du début à la fin. La réalisation, comme souvent chez Kore-eda, est d’une beauté sobre et puissante. Et cette fin ouverte… chacun est libre d’y voir ce qu’il veut. Sandome no Satsujin est un film qui m’a fait réfléchir profondément.
Il y a beaucoup à dire. L’histoire est excellemment bien menée. Le scénario monte en tension petit à petit, et on se surprend à douter : le coupable est-il vraiment coupable ? Le doute s’installe, pour les personnages, mais aussi pour nous, spectateurs. Cette fin ouverte laisse la place à l’interprétation, tout en suggérant une vérité générale : personne ne détient la vérité absolue. Chacun perçoit les faits avec ses propres filtres, ses propres blessures. Ce mystère, ce flou, ce suspense permanent… ils ne font que renforcer l’envie de savoir, de comprendre. Au départ, tout accuse le suspect. Mais à mesure que le récit progresse, le doute devient omniprésent, au point qu’on ne sait plus quoi penser.
Le message principal est fort : qui a le droit de juger ? Dans ce film, la justice, par le biais du juge, décide du sort d’un homme. La question posée est simple, mais vertigineuse : Un homme peut-il condamner un autre homme à mort ? Le film aborde aussi une réalité inquiétante : parfois, la justice japonaise semble vouloir boucler les affaires rapidement, quitte à passer sous silence des éléments essentiels. Ce n’est pas la première fois qu’un film parle ainsi du système judiciaire, mais ici, Kore-eda le fait avec subtilité. Jamais de manière frontale. Le message passe par l’histoire, pas par les dialogues. Ce n’est jamais dit, mais tout est suggéré. Et c’est justement ce qui rend le propos si fort.
D’autres thèmes sont abordés, comme cette réplique marquante : « Pourquoi le défendez-vous ? Parce que c’est mon travail. La vérité m’importe peu, seul le moyen de gagner compte. » Cela renvoie à une autre facette de la justice : celle de l’indifférence, du détachement. L’avocat ne cherche pas à comprendre l’homme qu’il défend. Il ne veut pas d’empathie. Juste faire ce qu’on attend de lui.
Il est aussi question de peine de mort, et même de cette phrase terrible : « Certains ne méritaient pas de naître. »
On parle aussi de mémoire, de culpabilité, du droit d’oublier pour pouvoir continuer à vivre. Veut-on vraiment connaître la vérité ? Ou préfère-t-on l’ignorer ? A-t-il été jugé ou sauvé ? Autant de questions qui renvoient à l’humain, à son regard, à sa capacité (ou non) à juger.
Et comme l’a dit le réalisateur lui-même : il faudrait voir le film trois fois pour en comprendre toute la richesse. Je veux bien le croire.
Mais ce qui, pour moi, fait de ce film une masterclass, c’est la réalisation. Souvent, il n’y a aucune musique. Juste les silences. Ou bien les sons du quotidien : le vent, une cuillère dans une poêle, des doigts sur un clavier. Cette absence de bande-son exagérée laisse place à l’essentiel. J’ai rarement été aussi absorbé par des images aussi simples. Les plans sont magnifiques, précis, vivants. Un regard qui dure, un geste de la vie quotidienne… c’est ça, la magie du cinéma selon Kore-eda : filmer l’instant. Sans artifice.
Et que dire de la distribution… Je n’ai pas les mots. Les trois acteurs principaux sont irréprochables. Mais je tiens à saluer Yakusho Koji. Cet acteur me sidère à chaque fois. Et ici encore, il est magistral. Son jeu donne une profondeur incroyable au personnage. Grâce à lui, tout le film prend une autre dimension.
Au final, il y a tant à dire. Pour moi, c’est une pépite. Un film que je reverrai, c’est certain. Kore-eda filme avec justesse, avec sobriété, avec humanité. Un message fort, une réalisation élégante, une distribution puissante. Sandome no Satsujin est, selon moi, incontournable, que l’on soit amateur de cinéma japonais… ou simplement en quête de sens.