Notre avis et/ou analyse
!! Attention avant lecture !! Qui dit avis dit des risques de spoil.
Benoît
Avis écrit le 06/01/2021
« Quand vas-tu devenir normale ? »
Un roman qui dénonce un pan de la société japonaise où tout le monde doit entrer dans le moule. Si par mégarde, tu décides d'en sortir, tu es vu comme un ou une paria. Tu n'es pas normal au vu des autres. Dans ce pays où le groupe passe avant tout, il est préférable de ne pas faire trop de tapage et de faire en sorte de faire le moins de bruit possible. Ce roman le démontre de la plus belle des manières. Roman prenant, l'héroïne se voit souvent dire ces mots : mais quand vas-tu devenir normale ? Être unique et montrer sa différence sont des choses que la société japonaise a du mal à accepter.
Court roman d'un peu plus d'une centaine de pages, il se lit facilement et rapidement. Mais sa longueur ne change en rien à la puissance des propos évoqués dans le roman. Puissants et accusateurs, c'est tout un pan de la société japonaise qui est mis au banc des accusés. Nombreux sont les points évoqués et mis en lumière sur une société malade et dont la différence est punie sévèrement. Pas punit aux yeux de la loi, mais aux yeux des autres personnes. Les chuchotements, les non-dits et les regards seront la sentence à qui voudra sortir du rang et oser montrer au monde sa différence. J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce court roman. Même si je n'ai pas appris grand-chose sur le sujet, j'ai apprécié la manière dont l'auteure, Murata Sayaka, a décidé de mettre en lumière tout un pan de la société de son pays. Cela lui a permis de remporter une des plus importantes récompenses au Japon, l'équivalent du Goncourt en France : le prix Akutagawa en 2016.
À travers son personnage Furukura Keiko, l'auteure nous met en lumière différents points de la société japonaise. La première chose qui m'a marqué, travaillant au Japon au moment où j'écris ces lignes, je le comprends parfaitement, il vaut mieux abandonner tout initiative personnelle. Il est préférable de rester dans le rang et de suivre les consignes. Quand quelque chose a lieu, il est préférable d'en discuter avec son supérieur ou les autres. Après avoir pris une décision commune, les choses peuvent se mettre en place. Mais la chose la plus importante : au bout d'un moment, l'héroïne fait comme partie des meubles. Tel un robot standardisé, elle fait toujours le même travail et, à quelque chose près, cela ne change pas de jour en jour. Dans ce petit quotidien, il en arrive que l'on ne voit plus l'humaine derrière la caisse. Chaque jour elle prononce le même texte et fait la même chose, ou presque. Sa vie est dédiée à son travail. Elle pense, elle mange et elle dort konbini. Cela en fait presque peur d'arriver à tel un comportement, qui, pour ce dernier, n'est pas seulement présent au Japon. Elle a sa place dans le mécanisme du monde.
Dans cette uniformité, pour ne pas choquer et être comme tout le monde, Furukura Keiko copie le style vestimentaire et de beauté d'autres personnes. Chacun s'imprègne de l'autre, pour au final n'avoir aucune originalité et que tout le monde se ressemble. Dans le konbini tout est régi par la normalité, les nouveaux vont rentrer dans le rang ou bien, ils se voient éliminés. Tout être non conforme se doit d'être écarté. Telles sont ses pensées et ce que la réalité met en œuvre. Toute femme se doit d'être mariée, c'est la normalité. Autrement, tu es en marge de la société, tu ne rentres pas dans les rangs. Elle va vieillir, elle n'aura pas d'emploi stable, verdict, cela va devenir un fardeau pour la communauté.
Mais qui dit femme mariée, dit automatiquement homme. Le poids que ce dernier a sur ses épaules est tout aussi important. Le monde nous juge en permanence, et notamment les hommes et la pression qu’ils ont sur les épaules. Ces derniers doivent à eux seuls gagner l'argent pour le foyer familial, pendant que la femme s'occupe de la maison et des enfants, s'il y en a. Mais qui dit mariage, cela implique automatiquement les enfants. Autrement, aux yeux des autres, tu seras la paria. Quoi tu es mariée et tu n'as pas d'enfant ? Qu'est-ce que tu attends ? Tels pourront être les propos des autres à l'égard d'une femme mariée et sans enfant. Alors cette dernière, pour ne pas faire de vagues, va tout mettre en œuvre pour rentrer dans le rang.
Au final, ce parallèle qui est fait entre la vie au konbini et la vie en société, est des plus intéressants. Tout est très bien amené. Cela fait très peur de voir un tel constat. Si une personne ne fait pas partie de la normalité, mais de la minorité, alors les autres se permettent de violer sa vie privée. Toute personne qui ne contribue pas est écartée, neutralitée et mise au ban de la communauté. Ce roman amène à la réflexion bon nombre de points sur cette société japonaise. Même si je savais bon nombre de ces choses, je n'en avais peut-être pas réellement pris conscient, jusqu'à lire ce roman.